Architecture
La matérialité de l’imagination
Par DÉLIA POPA
FNRS – Université catholique de Louvain
Résumé Quelle est la matière propre à l’activité imaginaire ? S’il est entendu que la perception va « aux choses mêmes » moyennant des impressions sensitives et que la signification les identifie en restant vide de contenu, avec quoi et en vue de quoi l’imagination opère-t-elle ? L’appartenance de l’imagination — depuis toujours reconnue par Husserl — à la famille des actes intentionnels intuitifs nous fournit l’indice que l’imagination ne saurait fonctionner sans un contenu sensible. Mais de quelle nature est-il ? Peut-on parler, dans son cas, d’un simple remplissement d’acte intentionnel, par lequel son sens spécifique est constitué ? Les approches que Michel Henry et Edmund Husserl ont eues de ces questions seront confrontées afin de dégager le spécifique de l’imagination tel qu’il se présente dans son rapport au sens de l’expérience.
Si l’on envisage le mouvement critique à l’égard de la phénoménologie qui anime la pensée de Michel Henry, on pourrait supposer qu’en un certain sens le philosophe français a rebroussé le chemin parcouru par Husserl depuis le cadre épistémologique de la psychologie brentanienne. Là où Husserl défendait la thèse précieuse d’une corrélation a priori entre la conscience et ce qu’elle vise intentionnellement 1 , Michel Henry nous invite à prendre la mesure de leur différenciation : se détache ainsi d’une part l’immanence de la subjectivité comprise comme auto-affection et, d’autre part, le règne de l’extériorité, celui du monde où s’ek-stasient des choses et des formes visibles, des outils de la vie pratique et des connaissances objectives.
1
E. Husserl, La crise des sciences européennes et la phénoménologie transcendantale, tr. fr. G. Granel, Paris, Gallimard/Tel, 1962, § 46, p. 180.
1
En deçà de la thèse phénoménologique de