Bonheur
Extraits d’un dossier réalisé par le Journal La Croix le 01/01/2010
«Qu’est-ce que le bonheur ? Le contraire du malheur. Car du malheur au moins j’ai une expérience incontestable. Or, qu’est-ce que le malheur ? Toute période, pour un individu, où la joie semble impossible. On se lève le matin ; on sait qu’on ne sera pas joyeux une seule fois dans la journée, on croit même, parfois, qu’on ne sera plus jamais joyeux de sa vie… Ceux qui l’ont vécu en savent le poids d’horreur, de dégoût, de chagrin. Et ils savent aussi, par différence, que le bonheur existe ! Qu’est-ce que le bonheur ? Bien sûr pas une joie continue et stable ! Tout bonheur est fluctuant, fragile, relatif. Il n’en existe pas moins. Je suis heureux quand j’ai le sentiment que la joie est immédiatement possible, qu’elle peut venir d’un moment à l’autre, qu’elle est déjà là peut-être, non pas bien sûr de façon permanente – la félicité n’est qu’un rêve, qui nous sépare du bonheur –, mais avec cette facilité, cette spontanéité, cette légèreté qui rend la vie agréable. Le bonheur n’est pas un absolu, mais qu’est-ce que c’est bon ! Pour moi, qui suis père de famille, mon bonheur – en 2010 comme depuis vingt-neuf ans – est celui d’abord de mes enfants, même grands, même adultes. Que je les sache malheureux, et tout bonheur pour moi est impossible. Que je les sache heureux et tout le reste devient léger. C’est par quoi je ne suis pas un sage : mon bonheur dépend de ce qui ne dépend pas de moi. C’est ce que me reprocherait un stoïcien, mais que je ne me reproche pas. Sage, je n’ai jamais prétendu l’être, ni n’ambitionne de le devenir. L’amour m’importe davantage que la sagesse. Et ceux que j’aime – mes enfants, ma compagne – davantage que le bonheur. » André Comte-Sponville, philosophe « CROIRE EN SOI, EN l’AUTRE » «Les confidences des personnes dont j’ai esquissé le portrait ont profondément nourri mon regard sur le bonheur. Tout réside dans l’art de vivre à la bonne heure. Je