Le protagoniste du Baron perché, Côme Laverse du Rondeau, jeune noble vivant à Ombreuse, province imaginaire proche de la Ligurie (région d’origine de Calvino), décide à douze ans, dans un mouvement de révolte contre son père, de monter dans les arbres et d’y passer sa vie. Il met ce projet à exécution et le lecteur suit les péripéties de cette existence singulière dont Calvino prend un plaisir évident à narrer, par la bouche du jeune frère du héros, les épisodes les plus quotidiens comme les plus exceptionnels. C’est ainsi qu’il relate les astuces pratiques que Côme, tel Robinson, élabore peu à peu pour organiser son nouveau monde, qu’on suit les rencontres amicales ou amoureuses du héros et, en particulier son amitié pour un brigand, Jean des Bruyères, lecteur passionné qui s’amende en lisant Richardson, ou sa liaison avec son amour d’enfant revenue veuve dans le jardin voisin. C’est toujours depuis les arbres que Côme se passionne pour les idées nouvelles, entre en correspondance avec les philosophes français, organise le mouvement révolutionnaire en Ombreuse ou reçoit la visite de Napoléon. Le cadre historique choisi par Calvino n’est pas sans influence sur la forme du roman puisque l’auteur s’inscrit délibérément, avec le Baron perché, dans la lignée des contes philosophiques français du xviiie siècle dont il reprend la structure, le rythme et le ton, mêlant réalisme et fantaisie, ironie et nostalgie, tout en introduisant une réflexion sur le statut du texte littéraire et sur le rôle de la littérature. En outre, l’itinéraire de Côme Laverse du Rondeau constitue aussi une réflexion sur l’histoire européenne des années cinquante, sur les espérances déçues de Calvino (il quitte le Parti communiste italien en 1957, après l’invasion de la Hongrie par les troupes soviétiques) et sur la juste distance que le romancier doit trouver avec le monde.