Commentaire du poème "aube" de rimbaud, illuminations
J’ai embrassé l’aube d’été. Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte. Les camps d’ombres ne quittaient pas la route du bois. J’ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes, et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. La première entreprise fut, dans le sentier déjà rempli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom. Je ris au wasserfall blond qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnue la déesse. Alors je levai un à un les voiles. Dans l’allée, agitant les bras. Par la plaine, où je l’ai dénoncé au coq. A la grand’ ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais. En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entouré avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas des bois. Au réveil, il était midi.
Rimbaud, Illumination
« Aube » fait partie, avec « Ornières », « Fleurs » et « Mystique », de cet ensemble de proses des Illuminations que l'on pourrait appeler « féeries ». Le poète y décrit ces instants de rare et fragile bonheur où sa présence s'inscrit heureusement et comme magiquement, par le regard, dans l'espace accueillant, docile et gracieux, de la Nature. On sera particulièrement sensible à la configuration de cet espace naturel, à sa symbolique où se dévoile le désir du poète, à son "éphémérité" enfin, puisqu'il se révèle au final comme le lieu précaire d'une possession manquée. « Aube » est donc un poème cristallisant bon nombre de motifs rimbaldiens : le goût des errances matinales ou nocturnes (« Sensation », « Ma Bohème ») et pour ce moment typiquement rimbaldien qu’est le lever du jour. Il porte la marque de l’acheminement de l’esthétique du poète vers une prose poétique. Nous montrerons dans notre explication comment ce texte aux allures de conte poétique initie son lecteur aux arcanes de la