On dit souvent que « les gouts et les couleurs ne se discutent pas », il est peu probable de réussir à persuader quelqu’un en contre argumentant de manière construite et convaincante qu’il a tort d’aimer quelque chose s’il l’aime vraiment. Pourtant, lorsqu’on émet un jugement esthétique avec des affirmations telles que « c’est beau » sur un objet, une œuvre d’art par exemple, il est implicitement dit que « beau » veut dire quelque chose, que c’est un terme défini et qu’il renvoie à une idée fixe et est de même nature pour chacun d’entre nous. Mais une œuvre d’art est-elle belle comme le ciel est bleu ? Il s’agit bel et bien d’une notion avec un sens propre à chacun. Lorsqu’on dit d’un tableau qu’il est beau, c’est qu’on éprouve des émotions à la vue de ce tableau, à savoir que ce terme désigne étymologiquement « la science du sensible ». Pourtant lorsqu’on émet un jugement du type « c’est beau », on passe au-delà de la sensibilité, c’est une affirmation réfléchie qui fait appel à son esprit critique. On peut donc penser que le jugement esthétique n’est pas totalement arbitraire puisqu’il est émis par l’esprit. Comment expliquer le passage de sensibilité à jugement ? L’expérience et le vécu personnel ont-ils une quelconque influence sur le jugement qu’on porte sur une œuvre ou un objet ? Si une œuvre possède une âme et devrait normalement plaire à tout le monde, comment se fait-il que ce ne soit pas toujours le cas ? Comment deux amis de longues dates comme dans Art de Yasmina Reza peuvent en arriver à un tel désaccord à propos d’un tableau ? Dans une première partie, nous nous nous intéresserons à la dualité de deux personnes face à une œuvre d’art et dans une seconde partie, nous traiterons les notions de modernité, d’opinion et de