entologie
C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud, Le Dormeur du val, octobre 1870
Le Dormeur du val est un sonnet en alexandrins d'Arthur Rimbaud. Ce poème est le premier du second Cahier de Douai (ou Recueil Demeny). Le poème est composé de rimes croisées (ABAB) pour les 8 premiers vers, d'une rime plate (AA) aux vers 9-10 et d'une rime embrassée (ABBA) aux vers 11-14. Il est daté sur le manuscrit
Cette scène, qui présente un soldat mort au milieu d'une nature omniprésente et accueillante, suscite l'indignation de Rimbaud. Derrière ce poème se murmure un cri de révolte contre l'horreur de la guerre, l'assassinat des jeunes soldats, le massacre de toute une jeunesse. Une lente approche dans un vallon ensoleillé conduit peu à peu le lecteur devant une découverte macabre qu'on assimilerait à un sommeil paisible.
Tandis que les crachats rouges de la mitraille
Sifflent tout le jour par l'infini du ciel bleu ;
Qu'écarlates ou verts, près du Roi qui les raille,
Croulent les bataillons en masse dans le feu ;
Tandis qu'une folie épouvantable broie
Et fait de cent milliers d'hommes un tas fumant ;
- Pauvres morts ! dans l'été, dans l'herbe,