Esthetique de lapoesie
Depuis le début de notre scolarité, nous avons appris et récité des poésies ! L’exercice était parfois fastidieux et difficile pour l’enfant que nous étions. Nous n’avions pas vraiment d’appréciation esthétique du poème. Ce qui importait c’était la déclamation devant un parterre d’admirateurs. Les parents n’étaient pas non plus très sensible au texte, car ils venaient écouter l’enfant plus que le texte. Nous avons grandi au milieu de ces étranges objets de langage qu’étaient les poèmes. Mais savions nous ce qui fait qu’un texte devient poème ?
Adolescent, nous avons exprimé nos désirs, nos larmes, notre amour dans des poèmes et le poème était une voix pour donner corps à nos attentes, donner corps à nos rancœurs, nos refus, nos révoltes, jusqu’au jour où chacun d'entre nous est rentré dans le monde du travail. On devient quelqu'un de sérieux - ce qui veut dire qui vit le rapport au langage sur un mode empirique - et on oublie cet étrange voix de la poésie, pour entrer dans le monde du langage pratique qui n’a que faire de la création de la parole.
Tout au long de cette histoire des mots, avons nous compris ce qu’était la poésie ? Est-ce une affaire sérieuse ? Est-ce une affaire tout court ? En quel sens est-elle un art ? Et qu’est-ce que la poésie ?
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A. Le langage comme matière
Le poète travaille sur un matériau qui semble a priori bien ingrat, le langage. Les mots dans leur usage empirique sont comme la monnaie que l’on se passe de main en main, qui s’use et à laquelle on ne prête guère d’attention. La monnaie n’est qu’un intermédiaire de l’échange. Les mots sont usés par le bavardage, usé dans la communication, usés pas la boulimie de paroles des média, usés par le discours commercial, la rhétorique politique, enrégimentés dans le discours scientifique. Alors comment pourrait-il y avoir une « autre » parole, une parole poétique ?
1) La frontière entre la prose ordinaire et la