Le sentiment esthétique et l'action politique. La beauté de l’œuvre d’art n’est pas une simple sensation d’agrément et n'est pas non plus une qualité objective qu’on pourrait démontrer, prouver ou mesurer. On ne peut pas la mesurer comme la grandeur d'une table; on ne peut la démontrer comme on peut démontrer un théorème de géométrie. Le jugement esthétique est autonome: le sujet juge par lui-même. Mais il affirme en même temps que la satisfaction personnelle est nécessairement universelle, c'est-à-dire communicable à tout autre individu. «C’est la raison pour laquelle je dis que telle pièce de théâtre est belle, et non pas simplement qu’elle me plaît. J'en parle comme si cette beauté pouvait faire l'objet d'une constatation objective.» (Kant, critique de la faculté de juger). Nous sommes donc en présence d’un jugement subjectif qui prétend à une validité universelle. Je prétends, en effet, sans preuves ni certitude empirique, je postule (on est bien dans le comme si tout le monde pouvait être convaincu): en affirmant la beauté de la pièce, je sais que je rencontrerai des désaccords: aucune oeuvre ne fait l’unanimité. Je m’attends à des divergences, je n’en estime pas moins que la pièce devrait plaire à tous les hommes, et je sollicite l’assentiment d’autrui. Ce fait central est incompréhensible sans l’idée de liberté. Si j’estime que le sentiment que j’éprouve devant une œuvre est universellement valable, cela veut dire qu’il est universellement communicable. J’estime, je pose comme devant aller de soi que les êtres raisonnables finis (humains) peuvent avoir ce même sentiment indépendamment des déterminismes et des conditions particulières qui les séparent: constitution physiologique, éducation, position sociale, habitudes, etc. L’œuvre d'art me donne à penser librement (le jugement esthétique fait appel au libre jeu des facultés, perception ET imagination). Elle me donne à penser, cela ne veut pas dire quelle est la simple illustration d'une idée. Certes, quand