Fables de j la fontaine
La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble :Celui-ci n'était pas encore privé des yeux.Une dispute vint : l'Amour veut qu'on assemble Là-dessus le conseil des dieux ; L'autre n'eut pas la patience ;Elle lui donne un coup si furieux, Qu'il en perd la clarté des cieux. Vénus en demande vengeance.Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris :Les Dieux en furent étourdis, Et Jupiter, et Némésis,Et les Juges d'Enfer, enfin toute la bande.Elle représenta l'énormité du cas :Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas :Nulle peine n'était pour ce crime assez grande :Le dommage devait être aussi réparé. Quand on eut bien considéréL'intérêt du Public, celui de la Partie,Le résultat enfin de la suprême Cour Fut de condamner la Folie A servir de guide à l'Amour.
L'ÂNE ET LE CHIEN
Il se faut entraider, c'est la loi de nature : L'Âne un jour pourtant s'en moqua : Et ne sais comme il y manqua ; Car il est bonne créature. Il allait par pays accompagné du Chien, Gravement, sans songer à rien, Tous deux suivis d'un commun maître. Ce maître s'endormit : l'Âne se mit à paître : Il était alors dans un pré, Dont l'herbe était fort à son gré. Point de chardons pourtant ; il s'en passa pour l'heure : Il ne faut pas toujours être si délicat ; Et faute de servir ce plat Rarement un festin demeure. Notre Baudet s'en sut enfin Passer pour cette fois. Le Chien mourant de faim Lui dit : Cher compagnon, baisse-toi, je te prie ; Je prendrai mon dîné dans le panier au pain. Point de réponse, mot ; le Roussin d'Arcadie Craignit qu'en perdant un