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L’histoire du roman au XXème siècle, en France comme dans toute l’Europe, est largement tributaire des traumatismes collectifs provoqués par les deux guerres mondiales. A la « der des der » à laquelle croyaient participer Péguy et ses compagnons d’armes1 et qui allait devenir la grande boucherie de 1914-1918, devait succéder vingt ans plus tard une horreur pire encore, avec l’extermination systématique et froidement organisée de tout le peuple juif. A peine commençait-on à découvrir, à Auschwitz, à Ravensbrück et en tant d’autres lieux, les dimensions de cette ignominie que, dans le camp des vainqueurs, on n’hésitait pas à rayer de la carte les villes d’Hiroshima et de Nagasaki en vitrifiant leurs populations sous le feu nucléaire. Dans un tel contexte, les certitudes rassurantes du réalisme et du naturalisme ne parviennent plus à convaincre : le roman qui ne peut plus fournir d’explications positives sur l’homme, n’a plus à apporter que des questions de plus en plus angoissantes. Questions qui ne portent plus, comme chez Gide et Proust, sur l’essence même du genre romanesque mais sur sa légitimité. Dans L’Espoir, Malraux fait dire au jeune historien d’art Scali qui combat dans les rangs républicains : « L’art est peu de chose en face de la douleur, et malheureusement aucun tableau ne tient en face de taches de sang. »2 Il ne s’agit pas d’un souci de décence qui imposerait, en des temps troublés de renoncer aux « divertissements » de l’art. Il s’agit bien davantage d’affronter l’impossible nécessité de regarder en face cette réalité qu’énonce Garenne au début de La Plage de Scheveningen : « Nous découvrions qu’être des hommes, c’était répondre au même nom que nos bourreaux. »3 Ces conditions inouïes d’exercice de la fiction littéraire vont d’abord favoriser un roman de la condition humaine – ce n’est pas pour rien que Malraux recourt à ce titre pour l’un de ses plus grands romans – avant d’entraîner une