Iphigenie
Iphigénie est une tragédie classique car la pièce respecte la règle des trois unités. L’intrigue se déroule en un seul et unique lieu : un camp militaire dans un port d’Aulis. Dès la scène d’exposition, le spectateur sait qu’il est en « Aulide » (v. 43), dans un « camp » militaire (v. 342), dans lequel séjourne l’armée d’Agamemnon, qui attend de pouvoir cingler sur Troie. Le choix d’un camp grec est remarquable à plusieurs titres. Tout d’abord, situer la scène en Grèce, c’est pour Racine affirmer qu’il appartient au camp des Anciens contre celui des Modernes. En effet, il met fin au cycle des tragédies orientales, inauguré par Bajazet (1672) et clôturé par Mithridate (1673), pour se pencher sur l’histoire légendaire de la Grèce. Dans Iphigénie, il choisit ainsi de relater l’un des épisodes les plus pathétiques et les mieux connus de la famille maudite des Atrides, relaté avant lui notamment par Euripide : celui du sacrifice d’Iphigénie par son propre père. Dans la préface de la tragédie, il rend hommage aux génies antiques et dit « la vénération qu[’il a] toujours eu pour les ouvrages qui nous restent de l’antiquité ». L’invention passe donc pour Racine par l’imitation des chefs-d’œuvre de l’Antiquité. De plus, situer la scène dans un port d’Aulis, c’est faire d’éléments épiques le décor de la tragédie. Contrairement à la majorité des pièces écrites jusque-là, l’intrigue ne se déroule pas dans l’anti-chambre d’un palais. Agamemnon le rappelle à Clytemnestre dans la scène 1 de l’acte III : « Vous n’êtes point ici dans le palais d’Atrée. / Vous êtes dans un camp […] ». Le lieu justifie donc l’atmosphère épique, qui souffle sur la pièce. Dans Iphigénie, les bruits de bottes des soldats côtoient le bruit sourd des voiles des navires, qui attendent le départ au combat. Mer, port, vaisseaux, armes, et projets de conquête dessinent le décor tragique. Enfin, situer la scène dans un port d’Aulis, c’est choisir un espace de l’entre-deux. Le camp est à la fois un