La parole
Ainsi Montaigne a pu écrire dans ses Essais que « La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute. » (III, 13, De l’expérience).
On comprend qu’il a voulu dire que dans la parole, l’intention du sujet ne suffit pas pour la constituer. L’écoute est tout aussi essentielle de sorte qu’on ne peut pas attribuer le sens de la parole, ni attribuer finalement la parole elle-même à l’un ou l’autre des interlocuteurs mais aux deux à égalité.
Pourtant dans le soliloque, le sujet se comprend parfaitement et l’on ne peut dire que sa parole est moitié à lui. Qu’est-ce donc d’autre un dialogue qu’un double soliloque ?
Dès lors, on peut se demander s’il y a un sens à attribuer la parole aux deux interlocuteurs comme le propose Montaigne.
En nous appuyant sur le dialogue de Platon intitulé Phèdre, sur la comédie de Marivaux, Les fausses confidences et sur le recueil de poèmes, Romances sans parole de Verlaine, nous verrons que la parole appartient prioritairement à celui qui l’impose à l’autre, puis qu’elle appartient plutôt à celui qui écoute, et qu’enfin elle est en elle-même dialogue donc n’appartient à personne en particulier.
Lorsque la parole est utilisée comme arme, il est clair qu’elle n’appartient qu’au locuteur, sachant que les interlocuteurs peuvent chercher l’un et l’autre à se persuader. Dubois, intrigant dont la fonction est pratiquement celle de l’auteur de la pièce, ne fait le récit de l’amour de son ancien maître Dorante pour sa nouvelle maîtresse Araminte en accord avec lui pour provoquer en elle le désir (cf. Acte I, scène 14). Il se conçoit lui-même comme le maître de l’intrigue, commentant sa progression, anticipant jusqu’au comique teinté d’érotisme la suite de l’action (« je vous