Le bonheur
Introduction
Tout homme désire être heureux, dit-on. Voilà, à la limite, ce que l’on peut dire de sûr du bonheur, sans pour autant en avoir encore donné la moindre définition. On peut cependant définir le bonheur à partir du désir, précisément, en affirmant qu’il consiste dans la satisfaction la plus complète – en quantité et en qualité, en variété et en intensité – de l’ensemble de nos désirs. Telle est du moins la définition que Kant donne du bonheur. D’emblée, en effet, au mot « bonheur » est plus ou moins distinctement attaché une idée de perfection, de plénitude, qui le distingue du simple plaisir pris à ceci ou à cela.
Cette définition amène à Kant affirmer que le bonheur est « un idéal de l’imagination ». Autant un « idéal de la raison » est un idéal susceptible d’être réalisé, puisqu’en principe justifié ou fondé rationnellement : on se donne les moyens de réaliser ce que l’on est en mesure de clairement déterminer, comme son devoir, par exemple ; autant un idéal de l’imagination est irréalisable : il est impossible à l’homme de se donner les moyens d’atteindre un objectif aussi vaste et indéterminé que la satisfaction optimale de ses désirs.
Mais pouvons-nous et devons-nous en rester à cette définition du bonheur, et à sa conséquence ? Car, dans ces conditions, il ne resterait plus qu’à y renoncer. Le bonheur ne peut-il être un état déterminé que l’homme est susceptible de goûter dans cette vie, une composante possible du réel et non pas seulement un idéal de l’imagination ? Et dans l’affirmative, qu’est-ce qui le distinguerait alors de la joie, du plaisir (et même d’une qualité supérieure du plaisir), du contentement, de la félicité, de la béatitude, etc. ? Qu’appellerait-on précisément bonheur ?
1 Le bonheur dans et par l’amour
Si le bonheur ne consiste pas dans la réalisation impossible de tous nos désirs, alors peut-être consiste-t-il dans la réalisation précise d’un désir qu’on nomme « amour », mais qu’on désignerait sans