José de Ribera, né à Játiva (sud de Valence) en 1591, se rendit en 1609 en Italie pour parfaire sa formation de peintre et choisit d'y demeurer, recevant sur place le surnom de Spagnoletto, le "petit Espagnol", du fait de sa taille. Il est considéré comme le plus grand représentant de l'art ténébriste en Espagne, comme un peintre au réalisme poignant dans les scènes qu'il choisit, où il n'hésite point à montrer les aspérités des traits, les imperfections de la peau, les blessures ou les difformités, comme dans ce Pied bot (patizambo), peint en1642. Comme dans un tableau courtisan, le personnage domine le spectateur et porte sa béquille comme s'il s'agissait d'une arme, avec le sourire fier et quasiment martial d'un noble. Peu d'éléments alentour viennent troubler le regard du spectateur et l'attention se concentre sur le personnage. Mais le jeu de lumière intense met en relief, dans un second temps, la difformité du pied droit puis de la denture. Le petit billet qu'il porte à la main, où est écrit en latin "Donne-moi l'aumône pour l'amour de Dieu", confirme sa condition de misérable, de pobre de Dios. La représentation de l'étrange et misérable infirme a été si précise que des spécialistes ont facilement pu détecter chez l'individu peint, non pas un pied bot, comme le laisse entendre à tort le titre, mais une hémiplégie droite, anomalie congénitale et infirmité motrice liée à une lésion du cerveau, généralement alliée à un trouble de langage (d'où le petit mot qui n'est pas seulement un permis de mendier, comme en avaient les pobres de Dios ou de solemnidad mais l'attribut obligé de ce mendiant muet) Ce tableau reflète ainsi, par delà le mélange des genres peu habituel, le problème social de la pauvreté dans une Espagne où, à partir de la fin du XVIe siècle et tout particulièrement au XVIIe siècle, une part croissante de la population vivait dans la misère et dépendait de la bienfaisance publique. Cette réalité sociale trouva également dans la littérature