Le pouvoir des fables
Le Pouvoir des Fables (Livre VIII, 4)
Introduction
Du latin « fabula », la fable est un récit qui vise à transmettre une leçon, une morale, un précepte. Cette forme littéraire mêle donc divertissement et enseignement.
Le poète, romancier et fabuliste Jean de La Fontaine (1621-1695) est surtout connu pour ses fables à l’aspect didactique et philosophique. Dans celle que nous allons étudier, « Le Pouvoir des Fables », il parvient à intégrer deux fables dans une, afin de mieux dénoncer la légèreté parfois inconsciente des êtres humains.
Texte
Dans Athène(s) autrefois, peuple vain et léger,
Un orateur, voyant sa patrie en danger,
Courut à la tribune; et d'un art tyrannique,
Voulant forcer les cœurs dans une république,
Il parla fortement sur le commun salut.
On ne l'écoutait pas. L'orateur recourut
A ces figures violentes
Qui savent exciter les âmes les plus lentes:
Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put.
Le vent emporta tout, personne ne s'émut;
L'animal aux têtes frivoles,
Étant fait à ces traits, ne daignait l'écouter;
Tous regardaient ailleurs; il en vit s'arrêter
A des combats d'enfants et point à ses paroles.
Que fit le harangueur? Il prit un autre tour.
« Céres , commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l'anguille et l'hirondelle;
Un fleuve les arrête, et l'anguille en nageant,
Comme l'hirondelle en volant,
Le traversa bientôt.» L'assemblée à l'instant
Cria tout d'une voix: « Et Céres, que fit-elle?
- Ce qu'elle fit? Un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous.
Quoi? de contes d'enfants son peuple s'embarrasse!
Et du péril qui la menace
Lui seul entre les Grecs il néglige l'effet!
Que ne demandez-vous ce que Philippe fait?»
A ce reproche l'assemblée,
Par l'apologue réveillée,
Se donne entière à l'orateur:
Un trait de fable en eut l'honneur.
Nous sommes tous d'Athènes en ce point, et moi-même,
Au moment que je fais cette moralité,
Si Peau d'Âne m'était conté,
J'y prendrais un