Le rire de tout
L’humour noir, forme fréquente et moderne de l’humour, doit être manié avec précaution. Où s’arrêter ? Où sont les limites du mauvais goût ? La revue Charlie-Hebdo annonce, après un incendie dans une discothèque qui fit plus de cent victimes, la mort du général de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises en ces termes : « Bal tragique à Colombey : un mort. » Titre choquant, et pour les jeunes victimes et pour le général.
L’équilibre entre le parti d’en rire et le respect de la dignité humaine est donc difficile à tenir. En outre, chacun s’est forgé son propre système de valeurs et ce qui amusera l’un risque de choquer l’autre : que dira la mère d’un enfant mort en Serbie devant la caricature de Plantu dans laquelle un snipper ironise : « Le problème avec les gosses, c’est qu’ils bougent tout le temps » ?
2. La difficulté à rire de soi-même
Par ailleurs, s’il est vrai que l’on rit aisément des autres, il est plus malaisé de rire de soi-même. On reconnaît sans peine l’oppresseur (le roi, le patron, les parents…) dans le Lion de la fable, mais convient-on pour autant que l’on est toujours soi-même le « lion » de quelqu’un ?
Rire de soi-même exige une certaine force d’âme. Molière l’a su faire sous les traits d’Arnolphe dans L’École des femmes, « vieillard » amoureux d’une toute jeune fille, comme lui-même l’était d’Armande Béjart.
Mais les exemples sont rares de ce recul sur soi-même et de cette autodérision. On peut rire de tout, certes, mais on rit plus facilement d’autrui. On est peu enclin à se reconnaître dans ce qui est ridiculisé, donc à « s’instruire » sur soi par l’humour. Car rire de soi, c’est se dédoubler pour se juger, et en partie se