II Silence

A. Les « tropismes » de Sarraute

Pour Nathalie Sarraute, l'écriture doit se consacrer au « non-dits », aux conventions langagières qui dissimulent des « sous-conversations », et bien souvent, des sentiments destructeurs, néfastes pour autrui, que l'on cache car il n'est pas bon de les afficher dans le monde de la bourgeoisie. Elle appelle ces non dits des tropismes. Chez Sarraute, les tropismes, renvoient à des mouvements intérieurs presque infimes dus à des causes extérieures telles que les phrases stéréotypées ou les conventions sociales. Elle a d'ailleurs écrit un roman qui s'intitule Tropismes. Dans Enfance, ces mouvements intérieurs sont souvent la répercussion de paroles maladroites ou brutales qui révèlent à Natacha, ou lui font pressentir, la réalité de ses rapports avec ses proches, notamment avec sa mère.
Exemples:
« C'est alors que la brave femme qui achevait mon déménagement s'est arrêtée devant moi, j'étais assise sur mon lit dans ma nouvelle chambre, elle m'a regardée d'un air de grande pitié et elle a dit: « Quel malheur quand même de ne pas avoir de mère. »
« Quel malheur! »...le mot frappe, c'est bien le cas de le dire, de plein fouet. Des lanières qui s'enroulent autour de moi, m'enserrent... Alors c'est ça, cette chose terrible, la plus terrible qui soit, qui se révélait au dehors par des visages bouffis de larmes, de voiles noirs, des gémissement de désespoir... le « malheur » qui ne m'avait jamais approchée, jamais effleurée, s'est abattu sur moi. Cette femme le voit. Je suis dedans. Dans le malheur. Comme tout ceux qui n'ont pas de mère. Je n'en ai donc pas. C'est évident, je n'ai pas de mère. Mais comment est-ce possible? Comment ça a-t-il pu m'arriver, à moi? » page 121

Nouveau tropisme lorsque le père reçoit « des gens » comme dit Natacha, probablement ses amis père. Véra, sa femme, dit toujours après leur départ qu'« ils ont bonne opinion de soi ». Nathalie Sarraute interprète avec sa vision d'adulte le propos de