Lettre d'un soldat
Ma très chère mère, vous qui m’avez mise au monde, mais dans quel monde !
Par quel miracle suis-je encore en vie ?! Je me pose cette question chaque heure. Pourquoi moi ? Je n’ai pourtant rien de plus que les autres. Au contraire, je ne suis qu’un jeune homme d’à peine 20ans, qui n’a ni femme, ni enfants. Des centaines de camarades on une famille qui les attendent chez eux. Une famille, qui, tous les matins se rongent le sang en attendant le facteur et en priant de tous leur cœur que ce ne soit pas L’enveloppe, celle d’une certaine couleur que nous n’avons pas besoin de lire pour savoir ce qu’elle contient !
Ma très chère mère, au moment où je vous écris, le soleil se lève doucement sur la tranchée, mais ce ne sont pas les beaux levers de soleil que nous avions l’habitude de voir qui se dresse devant moi mais un spectacle effroyable, de mort et de désolation ! Je ne puis vous le décrire tellement il est affreux. La terre est ravagée, plus un seul arbre, plus une seule plante. Ici, la végétation n’est que cadavre ! Nous nous heurtons dessus à chaque pas, il y en a tellement. C’est à peine croyable !
La tranchée se réveille peu à peu. J’ai erré deux heures cette nuit, absolument perdu. Les traces des asseaux y sont nombreuses et saisissantes, aussi ces couloirs qui nous servent d’habitation sont incommodes et horriblement inconfortables (mais je ne pense pas vous apprendre grand-chose en vous disant cela). Tout y manque : l'eau, qu’elle soit propre ou sale, la nourriture, les soins, des vêtements… Je suis perdu, épuisé, exténué, meurtri, mes jambes ne me portent plus. Ma très chère mère, si seulement vous saviez !
Le froid au quotidien, est un des pires ennemis après nos envahisseurs ! Il s’infiltre dans nos vêtements déjà humides. La nuit un chant de claquement de dents se fait entendre. Je vous imagine, vous, dans votre lit bien fait, avec vos nombreuses couvertures, l’oreiller moelleux. Oh, comme je suis heureux pour