Loisir
DU LOISIR AUX LOISIRS (ESPAGNE XVIIIe – XXe SIÈCLES
LOISIR-LOISIRS
« La culture, c’est l’ordinaire » Raymond Williams
On peut supposer que les loisirs ont toujours existé dans les sociétés humaines, sous une forme ou sous une autre. Ce qui ne veut pas dire qu’ils aient été toujours traités avec bienveillance, il s’en faut de beaucoup, ni même qu’ils aient été bien étudiés, en particulier dans le monde universitaire. Le monde anglo-saxon, qui a inventé bon nombre de loisirs modernes, du jardinage, à la décoration intérieure et au football (et au rugby), s’y est logiquement le premier intéressé, dans une perspective érudite et pragmatique tout à fait remarquable, même si la dimension idéologique et culturelle nous laisse parfois un peu sur notre faim1. Depuis les années 60, la bibliographie anglosaxonne s’est considérablement enrichie, d’autant plus, comme le fait remarquer Corbin, que, chez les Anglo-saxons, on sent moins de réticences culturelles devant les loisirs de masses, l’hiatus est moins grand entre les élites et les masses en ce qui concerne les loisirs populaires (ciné, littérature, sports) ainsi qu’entre la culture et son exploitation industrielle (le foot). La France s’y était mise assez tôt également. Le droit à la paresse, de Paul Lafargue, en 1883, constitue un étonnant plaidoyer pour la conquête des loisirs que l’on ne mentionne que comme une curiosité fantaisiste ; il est vrai que revendiquer le farniente, de la part du gendre de Marx, en pleine période de consolidation des austères mouvements ouvriers, quand la journée de huit heures n’était encore qu’une illusion, pouvait passer pour une provocation. L’intérêt pour les loisirs naît vraiment dans les années 1960, chez les sociologues : en 1962, Joffre Dumazedier est en quelque sorte un
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On trouvera une bibliographie anglosaxonne dans le numéro d’Historia Social (n° 41, 2001), consacré précisément à la « Mercantilización del ocio », en particulier dans les articles de J.H. Plumb («