Madame bovary chapitre 3 partie 3
À la nuit, ils repartaient. La barque suivait le bord des îles. Ils restaient au fond, tous les deux cachés par l’ombre, sans parler. Les avirons carrés sonnaient entre les tolets de fer ; et cela marquait dans le silence comme un battement de métronome, tandis qu’à l’arrière la bauce qui traînait ne discontinuait pas son petit clapotement doux dans l’eau.
Une fois, la lune parut ; alors ils ne manquèrent pas à faire des phrases, trouvant l’astre mélancolique et plein de poésie ; même elle se mit à chanter :
Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions, etc.
Sa voix harmonieuse et faible se perdait sur les flots ; et le vent emportait les roulades que Léon écoutait passer, comme des battements d’ailes, autour de lui. Elle se tenait en face, appuyée contre la cloison de la chaloupe, où la lune entrait par un des volets ouverts. Sa robe noire, dont les draperies s’élargissaient en éventail, l’amincissait, la rendait plus grande. Elle avait la tête levée, les mains jointes, et les deux yeux vers le ciel. Parfois l’ombre des saules la cachait en entier, puis elle réapparaissait tout à coup, comme une vision, dans la lumière de la lune.
Léon, par terre, à côté d’elle, rencontra sous sa main un ruban de soie ponceau.
Le batelier l’examina et finit par dire :
– Ah ! c’est peut-être à une compagnie que j’ai promenée l’autre jour. Ils sont venus