Moi et je
«J'ai conscience de moi.» Dans cette histoire, il apparaît clairement que nous sommes deux : il y a «je», et il y a «moi». «Je» suis celui qui a conscience (de «moi»), et «moi» est celui dont «j»'ai conscience. «Je» est en quelque sorte l'œil qui voit («l'œil de la conscience»), et «moi» la réalité qui est vue. En termes plus rigoureux, «je» suis le sujet conscient, et «moi» l'objet dont ce sujet a conscience, ce qui lui est ob-jecté, c'est-à-dire étymologiquement ce qui est posé devant lui. Ainsi, que j'aie conscience de moi implique que je sois capable de me dédoubler, d'être à la fois sujet et objet, de me prendre moi-même pour objet. Étrange : je peux devenir deux tout en restant un ! Serait-ce que je suis autre chose qu'un tas de chair fraîche (bientôt avariée) ? Qu'il y a en moi quelque chose qui échappe aux propriétés de la matière, donc quelque chose d'immatériel ? Un esprit ? Un esprit, ce fantôme? Et pourtant... Si mon corps n'était pas en quelque sorte «hanté», pourrait-il se dédoubler ainsi tout en restant lui-même, se voir lui-même ? Ma conscience de moi serait donc bien un indice qu'il existe en moi quelque chose d'irréductible au seul cerveau, précisément ce qu'on appelle un esprit, dont la propriété essentielle serait qu'il est capable de se voir lui-même ainsi