Nelligan
Toutefois, on est avant tout saisi par la tragédie intérieure d'un univers profondément tourmenté. Nelligan plonge dans les profondeurs de son âme et livre sans fadeur les sentiments qui sèment en lui la panique, l'anarchie, la névrose.
Intéressée à découvrir Nelligan dans l'aventure de ses tristesses, j'ai adopté la démarche suivante : après une seconde lecture de l'oeuvre, j'ai fouillé en détail le dossier « Emile Nelligan » paru chez Fides dans les « Dossiers de documentation sur la littérature canadienne-française ». Le document renseigne sur le poète et son oeuvre sans détails superflus. A quelque endroit, j'ai pu lire que Nelligan, d'après les dossiers de St-Jean-de-Dieu, souffrait de schizophrénie. Curieuse, j'ai consulté une encyclopédie médicale valable et le sérieux dictionnaire de psychiatrie de Porot publié aux Presses universitaires de France.
Chez le schizophrène, dit-on, tout tombe en miettes, s'effrite... le malade se replie sur lui-même ; perd contact avec le réel ; le monde apparaît menaçant ; le névrosé souffre d'un sentiment de déréliction et même souvent de persécution ; il se montre distant, avare de sourires et de paroles ; il dissimule une affectivité intense et blessée sous une froideur apparente ; c'est un être fragile à outrance qui a besoin de compréhension et de protection et pour qui la vie sociale est pénible parce que le monde extérieur apparaît insupportable ; il a tendance à !a solitude, à la rêverie, à la bouderie ; de plus, ce qui confère plus d'acuité encore à cette souffrance indicible, c'est que le malade est conscient de son état.
Toutes ces caractéristiques, on les retrouve dans les poèmes du très lucide Nelligan.