Note d'intention
Sifflement assourdissant. La navette électrique s’arrête. Décompression. Vapeurs toxiques. Pile aux déchets d’uranium. Voix désincarnée dans les haut-parleurs. Instructions. Les menottes pneumatiques qui nous maintenaient debout, les bras en l’air s’ouvrent automatiquement. Centaines de cliquetis métalliques simultanés. Nos mains desserrent la barre qui court tout le long du wagon. Retombent, ballantes contre nos flancs. La voix dans les haut-parleurs continue de gueuler. Tous les prisonniers du contingent K-2564-F se mettent en rang. Attendent que les portes s’ouvrent. Longue file jaune qui ondule. Uniforme des prisonniers politiques. Nervosité. Regards rapides à droite. A gauche. La peur. La putain de frousse. Les portes s’ouvrent. Odeur de merde et de pisse. La voix aboie. De sueur aigre. Un corps derrière moi qui pousse contre mon dos. L’odeur de la peur. Mon pied se pose sur le béton du quai. Ça y est. J’y suis. Roissy-Charles De Gaulle. Prison haute sécurité. Dernière prison d’état. Depuis que les puits de pétrole se sont taris et que les avions ont cessé de sillonner le ciel, le gouvernement y jette 1
aux oubliettes ses ennemis politiques. Au privé les droits commun. Dealers. Immigrés. Violeurs. Meurtriers. Macs. Arnaqueurs. Putes. Je suis le mouvement. La file se déplace. Long couloir sous un plafond immense. Centaines de pas désynchronisés qui résonnent sous la voûte. Gardes armés tout autour. Fusils d’assaut pointés sur nous. Sur nos têtes. Sur nos cœurs. Sur nos poumons. Sur nos foies. Sur tous nos organes vitaux. Sur ma tête. Sur mon cœur. Sur mes poumons. Sur mon foie. Sur tous mes organes vitaux. Portes en verre blindé. Eclairage néon. Sol usé par des milliers de pas. Creusé. Gondolé. Crasse sur les murs déposée par des milliers de mains moites de trouille qui ont cherché un réconfort illusoire en s’y appuyant un court instant. Pas de recours ici. Pas d’appel. Dernier voyage. Dernière destination. Villégiature finale. J’ai la tentation