"Notre vie" de paul eluard - commentaire
Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin
Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens
Morte visible Nusch1 invisible et plus dure
Que la faim et la soif à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Source des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.
Paul Eluard, Le Temps déborde (1947)
Introduction:
À la fois fois novatrice et traditionnelle, la poésie du XX e siècle est représentée par le retour à l'expression lyrique, renouvelée notamment dans la célébration de la femme aimée par les auteurs surréalistes.
Ce texte est un poème extrait du Temps déborde, intitulé « Notre vie ». Il a été écrit par Paul Eluard et a été publié en 1947.
Il se compose de trois strophes dans lesquelles le poète nous confie un souvenir douloureux. Ce poème nous plonge alors dans l'intimité de l'auteur et nous accorde le statut privilégié de confident.
Nous étudierons donc, en premier lieu, les éléments qui donnent au poème un caractère intime et familier. Par la suite, nous analyserons la manière dont le poète exprime sa souffrance.
Commentaire :
I – Caractère intime et familier
→ un poème autobiographique
1946 : décès brutal de sa compagne, véritable choc
v.11 : présence de son nom (« Nusch ») événement intime qui nous est raconté là : la mort d'un proche, l'évocation d'une personne chère relèvent du domaine privé (et donc de l'intimité)
→ une conversation amoureuse poète semble s'adresser directement à sa femme disparue : apostrophe au v.1 avec l'emploi du pronom personnel « tu » instauration d'une sorte de