Qu’est-ce qu’un intellectuel

A la fin des années 1980, Bernard Henri Lévy, dans l’éloge des intellectuels se demandait si les dictionnaires de l’an 2000 ne définiraient pas l’intellectuel français de la manière suivante : « Intellectuel : catégorie sociale et culturelle née à Paris au moment de l’affaire Dreyfus, morte à Paris à la fin du XXème siècle ; n’a apparemment pas survécu au déclin de l’Universel ».
L’intellectuel est en effet une figure sociale qui a fait de la raison et de l’intellect, et non de l’intelligence, son travail. C’est une personne engagée pour les idées, à la recherche de la Vérité Universelle. Autrement dit, selon Jean-Paul Sartre, l’intellectuel est celui qui, sorti de son domaine de compétence, « se mêle de ce qui ne le regarde pas » (Plaidoyer pour les intellectuels). L’engagement de l’intellectuel se révèle lorsque la Vérité qu’il a découverte s’oppose aux valeurs défendues par la société dans laquelle il vit. Il n’est pas un expert car, contrairement à lui, il ne se destine pas à justifier par son intelligence, et non son intellect, le système établi. Au contraire, son engagement tout entier se fait contre le pouvoir en place. Il n’est également pas un politique et n’est pas soumis à une « éthique de responsabilité ». Il est gouverné par une « éthique de conviction » (Max Weber, Le savant et le politique). Autrement dit, il n’est pas responsable des idées universelles qu’il défend. C’est pourquoi, des penseurs, comme Thomas Hobbes ou Carl Marx, bien qu’ils ne soient pas qualifiés d’intellectuels compte tenu de leur époque, ne peuvent être tenus pour responsable du totalitarisme induit par leurs théories universelles. En revanche, dès lors que l’intellectuel intervient dans le champ politique, sa responsabilité, sinon juridique du moins morale, est engagée. Cela explique la responsabilité de penseurs comme Carl Schmitt ou de poètes et écrivains comme Brasillach ou Drieu La Rochelle à l’issue de la deuxième guerre mondiale.