Texte corpus
Le vicomte Médard de Terralba s'est vu tranché en deux parties égales lors de la guerre contre les Turcs. Ses deux moitiés vivent dpeuis lors une existence autonome; l'Infortuné, la mauvaise moitié du vicomte, sème le désarroi autour de lui et propage la mort en pourfendant nombre de créatures qui passent à sa portée. Le Bon, son autre moitié, oeuvre pour le bien de ses semblables au-delà même de leurs attentes...
Les fréquentes visites du Bon à Préchampignon* n'étaient pas dues seulement à son attachement filial pour la nourrice, maus au fait qu'à ce moment-là, il se consacrait à secourir les lépreux. Immunisé contre la contagion (toujours, à ce qu'il semble, grâce aux cures mystérieuses des ermutes) il arpentait le village en s'informant minitieusement des besoins de chacun et en ne leur laissant pas de trêve tant qu'il ne s'était pas prodigué pour eux de toutes les façons. Souvent, sur son mulet, il faisait la navette entre Préchampignon et la masure du docteur Trelawney pour demander à celui-ci conseils et médicaments. Non que le docteur eût trouvé le courrage d'approcher maintenant les lépreux. Mais il semblait qu'il commençât à s'intéresser à eux, en prenant le bon Médard comme intermédiaire.
Seulement, l'intention de mon oncle allait plus loin. Il ne se proposait pas seulement de soigner les corps des lépreux, mais aussi leur âme. Il était constamment au milieux d'eux à leur faire la morale: à fourrer le nez dans leurs affaires, à se scandaliser et à prêcher. Les lépreux ne pouvaient pas le souffrir. Finis les temps heureux et licencieux de Préchampignon! Avec ce gringalet tout de noir habillé juché sur une seule jambe, cérémonieux et prodigue en sentence, personne ne pouvait faire son bon plaisir sans être réprimandé en public, ce qui suscitait des méchancetés et des chocs en retour. Même la musique, à force d'entendre répéter qu'elle était futile, lascive, sans un bon sentiment pour l'inspirer, leur devint insupportable, et leurs