Transaction et revendication
Souvent pointée du doigt, la faible capacité de négociation du syndicalisme français est fréquemment rendue responsable de sa crise. Pour les uns, l’opposition systématique est un fait de classe, culturel et identificatoire, auquel ne peut échapper le syndicaliste, et d’autant moins qu’il s’inscrit dans la concurrence entre plusieurs organisations. Logé jusque dans le style discursif du militant, ce ressort d’agressivité le rend inaudible de ses interlocuteurs patronaux – c’est le « discours d’assemblée perverti » (LÜDI, 1987), remis au goût du jour sous de nouvelles formes, et dont le retournement des signes au profit de l’identification collective ne porte pas moins la conséquence d’un enfermement politique et social. Pour d’autres observateurs, c’est au contraire l’institutionnalisation du syndicat qui est en cause, fragilisant la relation syndicale au travail et aux travailleurs. Sous le vocabulaire sociologique, la thèse de l’embourgeoisement n’est pas loin, et la silhouette du syndicaliste comme « ouvrier cossu » qui se paie de mots, caricaturé par Zola. Affirmation ouvriériste de soi, ou institutionnalisation et perte des repères ouvriers, ces deux thèses se rejoignent en fait dans la dénonciation de l’inauthenticité de la médiation syndicale : comme la littérature étourdissait les jacobins selon Taine, le goût immodéré des généralités politiques aurait vidé le syndicalisme français de sa substance, l’empêchant d’investir les rapports concrets de travail et l’écartant de la gestion des conditions réelles à l’œuvre dans l’entreprise, pour finalement l’éloigner du salarié. Fort développée sur les mécanismes endogènes de cette dégradation de l’implantation syndicale, l’analyse est moins diserte quant aux attitudes patronales, comme si les organisations ouvrières étaient les acteurs uniques des relations industrielles. Au contraire, nous tenterons