zemour le sucide francais
ISBN : 978-2-226-33301-8
À mon père.
Introduction
La France est l’homme malade de l’Europe. Les économistes évaluent sa perte de compétitivité. Les essayistes dissertent sur son déclin. Les diplomates et les soldats se plaignent en silence de son déclassement stratégique. Les psychologues s’alarment de son pessimisme. Les sondeurs mesurent son désespoir. Les belles âmes dénoncent son repli sur soi. Les jeunes diplômés s’exilent. Les étrangers les plus francophiles s’inquiètent de la dégradation de son école, de sa culture, de sa langue, de ses paysages, de sa cuisine même. La
France fait peur ; la France se fait peur. La France est de moins en moins aimable ; la France ne s’aime plus. La douce France vire à la France amère ; malheureux comme
Dieu en France ?
Les Français ne reconnaissent plus la France. La Liberté est devenue l’anomie, l’Égalité, l’égalitarisme, la
Fraternité, la guerre de tous contre tous. « Tout a toujours mal marché », disait, fataliste, l’historien Jacques
Bainville. « C’était mieux avant », lui rétorque, nostalgique, l’écho populaire. Pourtant, rien n’a changé. Le pays est en paix depuis soixante-dix ans ; la Ve République fonctionne depuis cinquante ans ; les médias informent, les politiques s’affrontent, les acteurs et les chanteurs distraient, les grandes tables régalent, le petit noir est servi
chaud au zinc des bistrots ; les jambes des Parisiennes font tourner les têtes.
La France ressemble à ces immeubles anciens, à la façade intacte, car elle est classée monument historique, mais où les intérieurs ont été mis sens dessus dessous pour se conformer aux goûts modernes et au souci des promoteurs de rentabiliser le moindre espace.
De loin, rien n’a changé, la rue a fière allure ; mais de près, tout est dévasté : rien n’est plus « dans son jus », comme disent les spécialistes. Tout est intact ; seule l’âme du lieu s’est envolée. Le président de la République