Et j’étais là, sur cette plage, nue, enfin revêtue de l’unique rudiment des codes sociaux actuels, mon maillot de bain, à prendre le soleil. Prendre le soleil ! Drôle d’expression ! Enfin je ne sais si je prenais le soleil ou si mon corps s’alourdissant sous l’effet de la chaleur n’entraînait avec lui l’astre du jour au fond de moi. Quoiqu’il en soit, rien ne venait me molester. J’appartenais au monde et le monde m’appartenait. Pouvons-nous imaginer plus grande satisfaction de liberté que ces instants où nous livrant tout entier à cette délicieuse détente, rien ne s’inscrit plus entre le ciel et nous ? Pas une ombre ne venait ternir cette plénitude. Ma tête aussi sans nuage était du voyage, je sentais toutes résistances s’évanouir. Ma volonté ne participait plus de mon état général. Elle en était comme absente, retirée, lovée je ne sais où.
Pourtant c’est elle qui me guidait au quotidien, sorte de tête d’affiche dans le florilège des passions opportunes qui jalonnent l’existence dans le monde des actifs. Et voilà que par la grâce du moment et sans qu’il eût été nécessaire de le lui commander, ce moteur si puissant, la volonté, c’était évanouie. Etait-ce cela les vacances, la vacuité, l’absence ? N’y a-t-il pas plus grand privilège ? Et pourquoi attendre parfois de longs mois avant de parvenir à cette sorte de détachement qui nous livre en toutes connivences au ciel ? Au final serions-nous d’une injustice divine