l'enfant de sable
L’ENFANT DE SABLE
Roman
1
Homme
Il y avait d’abord ce visage allongé par quelques rides verticales, telles des cicatrices creusées par de lointaines insomnies, un visage mal rasé, travaillé par le temps. La vie-quelle vie ? Une étrange apparence faite d’oubli – avait du le malmener, le contrarier ou même l’offusquer.
On pouvait y lire ou deviner une profonde blessure qu’un geste maladroit de la main ou un regard appuyé, un œil scrutateur ou malintentionné suffisaient à rouvrir. Il évitait de s’exposer à la lumière crue et se cachait les yeux avec son bras. La lumière du jour, d’une lampe ou de la pleine lune lui faisait mal : elle le dénudait, pénétrait sous sa peau et y décelait la home ou des larmes secrètes : Il la sentait passer sur son corps comme une flamme qui brûlerait ses masques, une lame qui lui retirerait lentement le voile de chair qui maintenait entre lui et les autres la distance nécessaire. Que serait-il en effet si cet espace qui le séparait et le protégeait des autres venait à s’annuler ? Il serait projeté nu et sans défenses entres les mains de ceux qui n’avaient cessé de le poursuivre de leur curiosité, de leur méfiance et même d’une haine tenace; ils s’accommodaient mal du silence et de l’intelligence d’une figure qui les dérangeait par sa seule présence autoritaire et énigmatique.
La lumière le déshabillait. Le bruit le perturbait. Depuis qu’il s’était retiré dans cette chambre haute, voisine de la terrasse, il ne supportait plus le monde extérieur avec lequel il communiquait une fois par jour en ouvrant la porte à Malika, la bonne qui lui apportait la nourriture, le courrier et un bol de fleur d’oranger. Il aimait bien cette vieille femme qui faisait partie de la famille. Discrète et douce, elle ne lui posait jamais de questions mais une complicité devait les rapprocher. Le bruit. Celui des voix aiguës ou blafardes. Celui des rires vulgaires, des chants lancinants des radios. Celui des seaux d’eau