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Hélène LANDEMORE
La représentation trahit-elle ou accomplit-elle l’idée démocratique ? N’est-elle au fond qu’un détournement par les élites de la souveraineté populaire ou permet-elle au contraire l’émergence d’une véritable volonté démocratique? Nadia Urbinati et Bernard
Manin en débattent dans un entretien réalisé en anglais par Hélène Landemore, à New
York en avril 2007, dont voici les principaux extraits.
Origine de la démocratie représentative
Hélène Landemore : Bernard Manin et Nadia Urbinati, vous avez tous deux écrit des livres aux titres proches, respectivement Les principes du gouvernement représentatif (CalmannLévy, 1995) et Representative Democracy : Principles And Genealogy (University of Chicago
Press, 2006). Mais la représentation n'est pas forcément démocratique et la démocratie n'est pas forcément représentative. Comment ces deux concepts se sont-ils rencontrés d'un point de vue historique? Et quand le concept de démocratie représentative apparaît-il pour la première fois ?
N. Urbinati : Selon Gordon Wood, l'expression a été utilisée pour la première fois par
Alexandre Hamilton en 1777 dans une lettre à Gouverneur Morris. La Révolution
Américaine, contrairement à la Révolution française, n’a pas fait l’expérience d’un conflit dramatique entre souveraineté populaire et représentation et a sans doute fourni le premier effort décisif pour dissocier la démocratie des Modernes de celle des Anciens, c'est-à-dire la démocratie « représentative » de la démocratie « pure ». Afin de marquer la séparation et d’éviter toute confusion, les leaders américains ont préférés utiliser le terme « républicain » pour caractériser leur gouvernement populaire. En tous les cas, le terme « démocratie
représentative » était utilisé de manière plus systématique au début des années 1790, en particulier par Paine, Condorcet et Sieyès. Dans les Bases de l’ordre social (1794), Sieyès opère une distinction