Bonheur
1) LE PESSIMISTE : J’ai lu Epicure, Epictète, Pascal, Schopenhauer et même Sade, et j’ai cru comprendre que tout le bonheur de l’homme était dans le repos de l’esprit et du corps… Pour être enfin heureux, il faut s’anéantir en Dieu ou dans la Nature, devenir entièrement passif, disparaître. « Requiescat in pace », qu’il repose en paix ! – L’OPTIMISTE : Vous allez un peu vite. Le repos n’a de sens que par rapport à quelque activité et il n’a de saveur qu’après quelque effort. J’ai lu Aristote, Descartes, Leibniz, Kant et même Nietzsche, sans oublier Stendhal, et j’ai compris que le bonheur de l’homme résidait dans l’activité libre, généreuse, créatrice… - LE PESSIMISTE : Toute activité est une servitude et, par conséquent, un malheur ; le plaisir lui-même est harassant. Sa seule description engendre une terrible lassitude, après laquelle il ne reste plus que la volupté de disparaître. Connaissez-vous les dispositions prescrites dans son Testament par le marquis de Sade ? – L’OPTIMISTE : J’ai d’autres lectures. – LE PESSIMISTE : Ecoutez donc : « La fosse une fois recouverte, sil sera semé dessus des glands, afin que, par la suite, le terrain de ladite fosse se trouvant regarni et de taillis se trouvant fourré comme il l’était auparavant, les traces de ma tombe disparaissent de dessus la surface de la terre, comme je me flatte que ma mémoire s’effacera de l’esprit des hommes. – L’OPTIMISTE : Il y a d’autres activités, non plus morbides mais saines, qui s’accordent à la vie et non à la mort et qui portent leur bonheur en elles-mêmes. – LE PESSIMISTE : Lesquelles, s’il vous plaît ? – L’OPTIMISTE : Par exemple : secourir, enseigner, soigner… Il y a des professeurs, des médecins, des sauveteurs heureux. Ce qu’ils font a un sens. Ils en éprouvent un bonheur qui satisfait à la fois leur sensibilité et leur intelligence. – LE PESSIMISTE : Il n’y a pas de bonheur intelligent. En revanche, il y a beaucoup d’imbéciles heureux. – L’OPTIMISTE : Ne confondez pas le