Mais cette acception est immédiatement contredite par l'espoir habituel de s'arranger pour que ce bonheur dure le plus longtemps possible.S'il est attribué par chance, le bonheur risque bien d'être fugace, de ne durer qu'un « instant ». Encore convient-il de ne pas prendre ce dernier terme au sens strict, et de concevoir que l'instant peut quand même être doté d'une petite durée, qui le rend d'autant plus appréciable. Il n'en reste pas moins que, en m'arrivant indépendamment de ma volonté, le bonheur risque bien de repartir de même, au bout d'un temps qui me paraîtra sans doute toujours trop bref.Ainsi, seraient du bonheur les moments où je suis comblé par ce qui m'entoure. On voit alors que le bonheur, même s'il est fugace, doit être en correspondance avec une attente de ma part. avec une orientation de mon esprit. Faute de quoi il faudrait admettre que le bonheur est imprévu, non seulement dans son surgissement, mais également dans son « contenu » - ce qui semble plus difficile : comment pourrais-je être heureux de quelque chose dont je n'ai aucune expérience antérieure, ou même aucune notion ? Lorsque je déguste un nouveau plat, cela peut constituer, selon notre analyse, un moment de bonheur, mais c'est parce que je savais que j'allais pouvoir manger quelque chose de nouveau, dont on m'avait peut-être prévenu que c'était délicieux ou dont il était sous-entendu, par la situation dans laquelle je me trouvais, que ce pourrait être une expérience agréable. Si, en revanche, je suis incapable de prévoir si peu que ce soit ce qui va se produire (imaginons que j'ai un bandeau sur les yeux et que j'ignore ce qui se passe autour de moi), il est fort peu vraisemblable que je ressente un petit bonheur en avalant la bouchée que l'on m'a placée sans un mot dans la