Du texte au sociotexte
En passant du texte au sociotexte on ne peut faire l’économie du « texte », d’une définition du texte, en ses multiples avatars, de part et d’autre des années 70. C’est un terme qui a trop vécu, et trop produit pour être employé innocemment, même en de nouvelles forgeries. Le mot engendre une ambiguïté permanente, une question récurrente. Alors que dans la période post- 68 tout semblait annoncer que Duchet et ses amis chercheraient à incorporer la sociocritique à la théorie littéraire antérieure, on voit peu à peu la sociocritique prendre ses distances à l’égard de la poétique instituée, en même temps que Duchet songe à de nouveaux alliés, du côté de la réflexion institutionnelle ou même de la sociologie des champs : « il se peut qu'une analyse plus institutionnelle soit plus pertinente pour rendre compte de certains ensembles considérés comme des systèmes littéraires ou pour développer tel ou tel point de l’analyse sociale des textes, mais sans pour autant changer la théorie du texte » .
Mais s’il fallait justement changer la théorie du texte ? Et n’est-ce pas ce que propose le recours au concept de sociotexte, ouvertement substitué à celui de texte, sans pour autant renoncer à ce dernier ? La situation conjoncturelle de la sociocritique dans les dernières années du siècle est très différente de ce qu’elle était en 70 et 80 et exige sans doute à de tels éclaircissements ; elle oblige en tout cas à insister sur la rupture qu’entend marquer la sociocritique et son aspect novateur. Il n’est pas inutile ici de revenir au point de départ, où l’on insistait bien sur toutes les ambiguïtés de la situation, mais, notons-le, sans mettre en question la notion – sinon le concept – de texte.
La socio-critique n’a pas la prétention d’inventer le texte. Mais trop de commentaires sociologiques, ou d’analyses marxistes d’inspiration philosophique, esthétique ou politique ont jusqu’ici traversé le texte pour s’établir au-delà et