Japon
Le choix d'une politique d'occidentalisation rapide et irréversible
« C'est surtout son choix précoce de la modernité occidentale et son ancrage profond dans la démocratie libérale qui font la particularité de sa position régionale », écrit Karoline Postel-Vinay dans le n° 30 de Questions internationales « Le Japon ». Elle y explique bien la singularité de la trajectoire japonaise :
« Aucun autre pays d'Asie, et plus généralement du monde non-occidental, ne s'est, comme le Japon, aussi fortement imprégné de l'héritage moderne européen. Dès la fin du XIXe siècle, le Japon devint un étranger dans sa propre région en menant une politique d'occidentalisation aussi rapide qu'irréversible. L'expansion colonialiste européenne de cette époque constitua un gigantesque séisme pour une grande partie de la planète. En Asie orientale, la menace puis la réalité de l'impérialisme occidental au sens large - la Russie et les États-Unis jouant là un rôle important -, contribuèrent au basculement de l'équilibre régional, et plus précisément au démantèlement d'un système cohérent de relations économiques, politiques et culturelles, centré autour de la Chine. Ce système, dit "système de tribut" - car les nations asiatiques étaient politiquement tributaires de l'Empire chinois-, se fondait sur une version verticale et hiérarchique des relations internationales. Il était conceptionnellement aux antipodes du principe européen d'égalité des États garantissant la souveraineté de chacun. L'élite intellectuelle japonaise s'intéressa très tôt à cette autre vision des rapports entre nations. (...)
La victoire de la Grande-Bretagne contre la Chine à la suite de la première "guerre de l'opium" (1839-1842), porta un coup décisif à l'ordre régional hiérarchique organisé par les autorités de Pékin. Ce changement laissa les nations membres du système de tribut, ainsi que la Chine elle-même, dans une immense perplexité quant à l'avenir et la façon