Selon vous le poète doit-il souffrir pour écrire
Dona: Monsieur, monsieur, ceci est indigne, ceci est odieux, ceci est infâme. Quelqu’un de votre peuple, savez-vous cela Don Alphonse ? Vient de mutiler le nom de votre femme gravé au-dessous de mes armoiries de famille sur la façade de votre propre palais. La chose s’est faite en plein jour, publiquement, par qui ? Je l’ignore mais c’est bien injurieux et bien téméraire. On a fait de mon nom un écriteau d’ignominie, et votre populace de Ferrare qui est bien la plus infâme populace de l’Italie, monseigneur, est là qui ricane autour de mon blason comme autour d’un pilori.
Est ce que vous vous imaginez, don Alphonse, que je m’accommode de cela et que je n’aimerais pas mieux mourir en une fois d’un coup de poignard qu’en mille fois de la piqûre envenimée du sarcasme et du quolibet ?
Pardieu, monsieur, on me traite étrangement dans votre seigneurie de Ferrare !
Ceci commence à me lasser et je vous trouve l’air trop tranquille et trop gracieux pendant qu’on traîne dans le ruisseau de votre ville la renommée de votre femme déchiquetée à belles dents par l’injure et la calomnie. Il me faut une réparation éclatante de ceci, je vous en préviens, monsieur le duc. Préparez vous à faire justice. C’est un événement sérieux qui arrive la voyez-vous ? Est ce que vous croyez par hasard que je ne tiens à l’estime de personne au monde et que mon mari peut se dispenser d’être mon chevalier ? Non, non monsieur, qui épouse protège. Qui donne la main, donne le bras. J’y compte. Tous les jours ce sont de nouvelles injures, et jamais je ne vous en vois ému. Est ce que cette boue dont on me couvre ne vous éclabousse pas don Alphonse ?
Allons, sur mon âme, courroucez vous donc un peu, que je vous voie, une fois dans vie vous fâcher à mon sujet, monsieur !
Vous êtes amoureux de moi, dites vous quelque fois ! Soyez le donc de ma gloire. Vous êtes jaloux ? Soyez le de ma renommée !
Si j’ai doublé par ma dot vos domaines héréditaires; si je vous ai apporté en