w ou le souvenir denfance
W ou le Souvenir d’enfance, comme les mots de Sartre, tout en racontant la vie du narrateur enfant, fait référence à toute une vie et à toute une œuvre, créant ainsi un « espace autobiographique ». Mais là s’arrête la ressemblance : autant le livre de Sartre est brillant, littéraire et séducteur, autant celui de Perec refuse le travail du style et décourage le lecteur.
Attention : vous risquez d’être déçus si vous attendez de ce texte, comme tout le monde, la séduction des souvenirs d’enfance, l’évocation d’un paradis perdu, la fraîcheur des premières fois : « Je n’ai pas de souvenirs d’enfance », tels sont les premiers mots en caractères romains dans ce texte (1ère partie, p. 17. Les références renvoient à l’édition « L’Imaginaire » de 1997 ; l’édition précédente a conservé la pagination de l’originale chez Denoël. ), qui tentera de faire ressurgir des faits, sans complicité affective entre l’enfant et l’adulte narrateur. Sans doute aurez-vous envie de sauter les énumérations des épreuves sportives, des classements et des récompenses de l’île de W. Pire encore, vous attendrez en vain, dans les chapitres explicitement autobiographiques, l’expression d’une émotion : le narrateur semble anesthésié. Vous n’aurez pas non plus le sentiment d’une continuité, d’une aspiration vers l’avenir, d’un sens : « Désormais les souvenirs existent, fugaces ou tenaces, futiles ou pesants, mais rien ne les rassemble » (début de la 2ème partie, p. 97). Philippe Lejeune exprime cela de manière provocante :
Lire W ou le souvenir d’enfance est une vraie torture. C’est une machinerie à laquelle le lecteur doit collaborer pour accéder à l’insupportable, à cette vérité qui n’est pas dite et qu’il doit prendre en charge.
La Mémoire et l’oblique. Georges Perec autobiographe, P.O.L., 1991, p. 61. En revanche, ce texte presque rebutant à lire selon les habitudes de lecture les plus répandues, est très intéressant à étudier en deux directions :